Sylvain Waserman est député de Strasbourg et Vice-Président de l’Assemblée Nationale. Il est aussi Vice-président de la délégation française à l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE). C’est dans ce cadre qu’il a obtenu, en janvier 2018, les signatures de 50 parlementaires issus de divers groupes politiques et nationaux pour réaliser un rapport d’étude sur la protection effective des lanceurs d’alertes en Europe.
Dans le but d’alimenter ce rapport, Sylvain Waserman organisait, les 14 et 15 mars derniers, un colloque baptisé « 48 heures chrono lanceurs d’alertes » dans les locaux du Conseil de l’Europe à Strasbourg. Les personnes invitées, représentants d’associations, ONG, universitaires, avocats, lanceurs d’alertes et, en visio-conférence, Edward Snowden toujours bloqué à Moscou ont essayé de répondre à de nombreuses questions sur le sujet.
Qu’est-ce qu’un lanceur d’alertes ?
Qui sont les lanceurs d’alertes ?
Quels modes d’actions ont-ils ?
Quelles menaces les visent ?
Quelles propositions concrètes peut-on faire ?
De nombreuses recommandations
Les débats ont été riches et plusieurs recommandations ont été faites par les participants :
- Laura Monnier (Greenpeace France): l’accès à l’information est difficile en France et le recours à la C.A.D.A. (Commission d’Accès aux Documents Administratifs) prend plusieurs années ce qui le rend inefficace. Les intimidations et les procédures « baillons » dont le seul objet est de « noyer » le lanceur d’alerte sous les procès, sont fréquentes et d’autant plus destructrices que la personne visée a très peu de moyens financiers.
- Nicole-Marie Meyer (Transparency International France) : il manque en France une loi globale sur les lanceurs d’alertes (comme en Grande-Bretagne), une autorité publique indépendante assurant leur protection et une fondation caritative pouvant leur apporter une aide matérielle.
- Caroline Chaumet (Passeur d’Alerte): la médiatisation du lanceur d’alerte est une vraie mise en risque, les « faux » lanceurs d’alertes sont donc très rares. Attention cependant aux « intox » dont peuvent être victimes les journaux relais. La meilleure protection des lanceurs d’alertes reste encore l’anonymat.
- André Lechner (Anticor 67): le canal de diffusion de l’alerte est important mais il ne peut être imposé. La France, via l’art 8 de la loi Sapin 2, a fait le choix d’imposer au lanceur d’alerte le canal hiérarchique interne en priorité (« Le signalement d’une alerte est porté à la connaissance du supérieur hiérarchique, direct ou indirect, de l’employeur ou d’un référent désigné par celui-ci. »). Imposer la voix hiérarchique pour lancer une alerte peut être dangereux. Obliger est aussi contre-productif qu’interdire. Le choix du canal doit dépendre de la situation et ne pas être imposé.
- Edward Snowden (lanceur d’alerte): mon cas personnel n’est pas important. Ce qui compte, c’est de protéger les futurs lanceurs d’alertes. La directive européenne adoptée le 12 mars est très importante mais insuffisante pour protéger les lanceurs d’alertes. La démocratie est un bien commun, si on ne la défend pas, elle s’effondrera.
- Delphine Pollet-Panoussis (Maître de Conférence en Droit Public) : il faut adopter une loi globale sur la protection des lanceurs d’alertes, et ne pas exclure les personnes morales (associations notamment) comme c’est le cas aujourd’hui où seules les personnes physiques peuvent bénéficier du statut de lanceur d’alerte.
Et maintenant, on fait quoi ?
Au-delà du plaisir d’échanger, quelle sera l’utilité réelle de ce colloque ? Sa programmation, 3 jours seulement après l’adoption d’une directive européenne sur le sujet ne le rend-il pas inutile ?
Etait-il pertinent de débattre APRES la publication de cette directive ?
La question doit au minimum être posée…
La France, start-up Nation des lanceurs d’alertes ?
Quelle est la situation en France ? Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle est perfectible et n’est pas prioritaire dans le « core business plan » gouvernemental :
- La question environnementale n’est pas au mieux de sa forme, et les pouvoirs publics ont, dans les faits, littéralement abandonné toute idée de progrès écologique ou d’amélioration environnementale.
- Les peines encourues par les militants dans le cadre de leurs actions civiques ou écologiques sont de plus en plus lourdes.
- La loi sur le secret des affaires cadenasse la diffusion des informations sur les entreprises et rend extrêmement difficile la dénonciation de faits délictueux.
- Les procédures « baillons » sont utilisées de plus en plus pour neutraliser les actions de lanceurs d’alertes et faire peur à ceux qui pourraient dénoncer des faits illégaux.
- L’attitude gouvernementale en France est très clairement « business friendly » et pas du tout « citizen friendly » : la protection des citoyens passe toujours APRES l’intérêt des entreprises.
- L’adoption de la directive européenne sur les lanceurs d’alertes a été freinée par l’attitude du gouvernement français (mais aussi des représentants allemands, autrichiens et hongrois) voulant obliger un lanceur d’alerte à informer au préalable en interne l’organisme concerné par l’alerte.
- En France, l’article 40 du Code de Procédure Pénale oblige tout agent public ayant connaissance d’un crime ou d’un délit à en informer le Procureur de la République sans délai. Malheureusement, le non-respect de cette disposition n’est pas assorti d’une sanction, ce qui en limite considérablement la portée.
On le voit, le chemin à parcourir est encore long, et ce n’est pas Edward Snowden qui me contredira : il est toujours bloqué en Russie et interdit de séjour en France, en Allemagne et dans de nombreux pays européens et pourquoi ?
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